Les festivals, c’est une craquée de concerts. Mais aussi un grand nombre de moments, de petites choses qui ne se déroulent pas forcément sur scène, qui restent souvent gravées dans les mémoires une fois les amplis débranchés.

David Trotta

Lors du dernier passage des Stones à Zurich, en 2017, un grand type, bien large, bien costaud et bien torché, hurlait pendant tout le concert. Il fallait distance sociale garder pour ne pas se prendre un coup au passage. Non que le gus s’avère méchant. Il a d’ailleurs fini par pleurer sa mère dans les bras de ses potes quand Jagger et son gang s’en furent allés. Mais son enthousiasme était peut-être un peu trop débordant. Lui, il fait partie de ce concert. Tout comme la nana, en 2018, à Genève, au concert de Metallica. Qui a passé l’entier du show à regarder la scène à travers son smartphone. Elle connaissait tout et adorait tout, disait-elle à chaque morceau. Étonnamment, niveau paroles, fallait se contenter d’un Nothing Else Matters très approximatif.

Les concerts regorgent de moments, de petits détails qui restent gravés. Qui, au final, font aussi partie de l’expérience. Parfois gonflants sur le coup (range ta perche à selfie, bordel…), d’autres plus amusants (bonne chance sur le chemin du retour, mon gars…). Pour vous, quatre petites anecdotes de Paléo et de Montreux.

Lemmy à Nyon

Il y a dix ans, à un mois près, Paléo annonçait l’ajout surprise de Motörhead à son line-up 2010. Bien après l’annonce de sa programmation. Lemmy, le pape du rock. Le festival a lâché la bombe, au beau milieu de l’après-midi. Le cours que je suis en train de suivre, bachelier en sciences sociales à l’Université de Lausanne, cesse d’exister. Mes camarades semblent largués. Ils sont pendus aux lèvres du prof. Ils n’ont pas compris le sens de la nouvelle. Lemmy sera à Nyon. Et pour couronner le tout, le billet est déjà sur mon bureau. Motörhead vient terminer la soirée de mardi. Jour où se déhanche aussi Iggy Pop, pour lequel j’ai mon sésame. Jour J, l’attente n’est pas particulièrement longue. Les concerts défilent. Iggy Pop remue la plaine de l’Asse, invite le public sur scène. Un ado kiffe hurler dans le micro I Wanna Be Your Dog, Iggy à quelques centimètres de lui.

Un peu après. La nuit tombe. Devant la grande scène, l’électricité est palpable. Lemmy doit arriver. Dans quelques instants. Il fait sombre. Marco n’a pas encore perdu son porte-monnaie. On attend. Puis Lem’ se pointe. En noir total. Ses boots, sa Rickenbacker, son grand chapeau. « We are Motörhead », crachent les enceintes, avant la sauce. Et le pogo géant qui se forme. Il faut reculer, vite, pour ne pas se retrouver dans le maelström. Ma bouée de sauvetage : l’embonpoint spectaculaire, particulièrement mou et confortable, d’un colosse de motard allemand. Du haut de ses deux mètres (une vraie pièce), il me jauge. Puis regarde à nouveau la scène. C’est bon, j’ai ma protection face aux quelques abrutis qui tentent de se faire quelqu’un, sous couvert de rock dur.

Tant qu’ils s’amusent

Et comment ne pas se souvenir de ce groupe de fans de Muse, en 2016. Arrivés une heure avant l’ouverture des portes. Dont un pote, dans le lot. Tatoué aux couleurs de Muse. Les portes s’ouvrent. Ils sprintent devant la grande scène pour être au premier rang. Il est environ 16h30, mardi 19 juillet 2016. Il fait très très chaud. Muse ne doit fouler la grande scène qu’environ six heures plus tard.

Le Kid fait-il sa princesse ?

À Montreux, le 18 juillet 2009, Prince doit donner deux concerts le même soir. En début d’après-midi, coup de fil. Mon oncle est malade. Vraiment. Il ne peut pas aller au Jazz et me file son billet pour le deuxième show. Toujours étudiant à l’UNIL, programme en vue : glander et crêpe partie le soir. Pour le Kid de Minneapolis, j’accepte de revoir la donne.

Le deuxième concert doit commencer à 22h. Au Stravinski, il fait chaud. Très. Comme d’habitude en réalité. L’heure arrivée, personne ne se pointe sur scène. Dix minutes passent. Quinze. Vingt. La température monte. Le public commence à s’agacer. Une heure. Une heure et demi. Au total, deux heures et cinq minutes avant de voir arriver le nabot. Le public, resté en nombre, est furax. Le Kid semble avoir encore fait sa princesse. Et pourtant.

Après deux heures d’attente, le funk s’abat sur Montreux. En une poignée de secondes à peine, l’ambiance a changé. Radicalement. La force des géants. Les musiciens brillent, Prince rayonne. Il donne. Encore. Et encore. Et encore. Sans relâche. Son surnom lui va comme un gant.

Dans la salle, ça bouge, ça groove, ça danse. Jusqu’au très attendu Purple Rain, the classique. À quelques mètres, à droite, un couple. Elle se met devant son mec. Le force à la prendre dans ses bras. La ballade déroule. Elle chante le refrain. Pas les couplets, qu’elle ne connaît pas. Au troisième coup, elle se retourne et se met à hurler sur son mec. Monsieur à l’outrecuidance de ne pas répéter « purple rain, puuuuurple raaaaaaaaiiiiin » en même temps que la star. Et que la petite princesse. Bonne chance sur le chemin du retour, mon gars…

On y est

Montreux, c’est aussi le 1er juillet 2019. Slash. L’un de mes guitaristes fétiches. Celui des Guns, de Velvet Revolver, du Snakepit, de Michael Jackson, de Lenny Kravitz et tant d’autres qui se sont payé son jeu unique le temps d’un solo. Celui qui me vaut aussi une bonne partie de la corne au bout de mes doigts, et un certain nombre de cordes pétées. Ce concert sera un peu différent. Une partie se déroulera dans la fosse. Avec les neuf autres photographes triés sur le volet. Seuls dix ont été acceptés. Moment de gloire pour ma première accréditation photo à Montreux.

Le groupe, Slash Feat. Myles Kennedy and the Conspirators, doit entrer sur scène à 21h40. Après le concert de Rival Sons. Deuxième entrée dans la fosse à 21h30. Je me prépare. J’hésite encore entre le grand angle et le téléobjectif. Plus que dix minutes. Le staff distribue les protections auditives. Je les mettrai plus tard, merci. Un gus foule les planches, plaque un seul accord avec la six-cordes de Slash, histoire de contrôler qu’elle est toujours accordée. Le mur de Marshall hurle. Ok, les mets tout de suite.

Peu après l’heure annoncée, la musique dans la salle s’estompe peu à peu. Puis les lumières. Le public commence à acclamer, à siffler. À droite de la scène, une petite porte s’ouvre. Un peu de lumière. Mon cœur s’accélère légèrement. Je vais pouvoir photographier Slash. Quand même. Une ombre se dessine dans l’encadrement. À contrejour. Mais la silhouette, agrémentée d’un haut-de-forme, ne laisse aucune place au doute. Slash est là, le groupe est sur le point de faire son entrée. Le pouls s’accélère encore un peu. Il va falloir assurer. Je suis devant sa Wah Wah. Impossible de le manquer.

Les musiciens arrivent. Slash sur sa pédale. Les photographes dégainent. Durant trois morceaux, il aura fallu courir, et suer un peu. Slash ne se laisse pas dompter. Il ne reste pas en place. Devant, derrière, à droite, à gauche, il court, il saute. Trois morceaux à transpirer. Mais le matériel est en boîte. Encore deux heures à voir le génie sublimer sa Les Paul, encore avec Marco, qui n’a pas perdu son porte-monnaie cette fois-ci. Et Renaud, qui connaît moins bien, mais qui se prend la même claque lorsque Slash enfonce sa Wah Wah pour dérouler sa puissance rock et la dextérité de son phrasé blues. À deux heures du matin, de retour à la maison. Début d’une longue nuit à trier et traiter les images. Des étoiles plein les yeux.

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