
Effervescence du côté de Montreux qui revient en force, et surtout dans une configuration habituelle. Coup de fil à Mathieu Jaton, patron du Montreux Jazz Festival, quelques petites heures avant la grande annonce du programme 2022.
Le Montreux Jazz revient avec une formule « normale ». Comment vous sentez-vous ?
Bien, excité. Après ces années où on a dû jongler et faire des choses complètement différentes, un festival digital, un festival en formule plus réduite. Revenir à la normale est très excitant. L’annonce de la programmation est toujours un moment très important pour nous. Nous travaillons sur ces projets depuis plusieurs mois. Pouvoir le révéler au public, le partager, est évidemment très excitant aussi.
L’ombre du Covid plane encore et contraint toujours à quelques ajustements de dernière minute. Prudence donc ?
Nous sommes conscients que cette pandémie, aujourd’hui devenue endémique, est présente. Il nous faut vivre avec ce virus qui est parmi nous et qui nous a réservé un certain nombre de surprises au cours de ces deux dernières années. On se doit de rester vigilants dans notre manière de travailler et de rester agiles au regard de conséquences qui pourraient intervenir d’une manière ou d’une autre.
La programmation est large et panachée. Elle s’étend de la new wave eighties de a-ha au jazz familier de Herbie Hancock, un ami de longue date du MJF. Elle comprend aussi Björk en version orchestrale, des légendes telles que Diana Ross et Nick Cave, mais aussi des artistes plus jeunes dont Emilie Zoé. Quel est votre regard sur cette affiche 2022 ?
Je suis très content de cette programmation, parce qu’elle est très « Montreux ». Nous voulions revenir avec une signature montreusienne forte. À la fois avec des légendes, des amis du festival qui viennent à chaque fois avec des configurations différentes ou des projets différents. Je pense évidemment à des John McLaughlin, Herbie Hancock, Jamie Cullum, Ibrahim Maalouf. Tout cela balancé avec des artistes qui ne sont jamais venus à Montreux, comme a-ha, Diana Ross ou Måneskin, la révélation rock de l’année. Et là je ne parle que de l’Auditorium Stravinski. Nous avons toujours des exclusivités, beaucoup d’artistes donneront leur seul concert suisse à Montreux. Mais aussi des mariages et des plateaux inédits, qui sont toujours très importants pour nous. Alison Krauss et Robert Plant, Van Morrison et Jeff Beck. Jeff Beck qui est extrêmement rare sur scène, qu’on espère chaque année. Je suis aussi très content des touches latinos, avec Rodrigo y Gabriela et Juanes, ainsi que des plateaux jazz. Il y a beaucoup de choses qui, pour moi, sont des signatures montreusiennes. Paolo Nutini qu’on a pratiquement vu naître à Montreux et qui sera à nouveau présent. Nous avons une volonté de cohérence. Le programme n’est pas une liste de courses. Il doit être représentatif de qui nous sommes. Avec des artistes qui nous collent à la peau et d’autres qui font le buzz aujourd’hui.
Côté Lab ?
Le Lab est très éloquent aujourd’hui dans son positionnement de plateaux de musique indé. Nous proposons de très gros plateaux, notamment avec la nouvelle coqueluche, Gabriels, Black Pumas et Michael Kiwanuka. Ce dernier a été découvert au Café en 2012 et a ensuite mené une carrière incroyable. Black Pumas, la révélation 2020 avec cette soul texane américaine et la troisième génération, celle de Gabriels, qui vient du Tennessee, du gospel. On sent avec ce genre de propositions toutes les racines afro-américaines du Montreux Jazz Festival, mais tournées vers le futur et sur la modernité. Chaque plateau est construit avec une idéologie, avec une cohérence, représentatif de notre histoire mais inscrite dans la modernité d’aujourd’hui. On le voit aussi du côté du hip hop francophone, puisque nous sommes attentifs à qui fait l’actualité dans ce genre, francophone ou américain. Laylow est clairement l’artiste qui sort du bois en France, qui vend deux Bercy en 48h. Il est une fois encore question de balance entre artistes plus confirmés et artistes nouvelle génération, où s’est noué un lien idéologique musical.
Manque à l’appel cette année le rock « musclé », présent de longue date à Montreux. Pourquoi ce choix ?
Ce sont des circonstances de tournées et de moments. Il y a évidemment des choses que nous aimerions avoir mais qui sont déjà prises par d’autres événements. Beaucoup de paramètres entrent en compte. Nous sommes cette année dans un rock plus traditionnel, avec Nick Cave, Måneskin, moins « lourd », moins « grave ». Ce n’est pas vraiment un choix, mais des circonstances de programmation. Nous avons eu des années plus rock, avec des Nine Inch Nails, Queens of the Stone Age, etc. D’autres années le sont un peu moins.
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