Création signée Jean-Christophe Hembert au TKM, « Wendy et Peter Pan » revient aux sources d’une histoire aujourd’hui connue de tous, par-delà ses contours féériques.
Peu d’enfants n’ont jamais rêvé d’ouvrir les yeux au beau milieu de la nuit pour apercevoir un personnage magique, surgissant par une fenêtre laissée ouverte, les emportant vers un monde merveilleux. Celui que beaucoup s’imaginent, pour y vivre des aventures nombreuses, issues de leurs plus belles rêveries.
Mais à bien regarder sous le tapis, alors que certains y voient des traces laissées par les fées, d’autres y décèlent surtout la poussière du passé. Celle que l’on tente de cacher, qui a toutefois su s’incruster dans les recoins les plus inaccessibles. D’une maison, mais surtout d’un esprit. C’est le cas de Jean-Christophe Hembert, metteur en scène de « Wendy et Peter Pan », actuellement sur les planches du Théâtre Kléber-Méleau. Une adaptation, cosignée avec Loïc Varraut, qui prend le parti de revenir aux sources, au texte d’origine. Une histoire dans laquelle James Barrie y couche ses doutes, ses questionnements, ses névroses. Celles d’un homme marqué à vie par les traumatismes de l’enfance.
Point de départ donc pour cette nouvelle adaptation au théâtre, on y découvre une famille issue de la petite bourgeoisie. Plutôt normale aux premiers abords. Mais dont le père compte toutefois chaque centime pour savoir s’il gardera tous ses enfants. Et à qui la mère s’avère incapable d’adresser le moindre baiser. On rêve donc à une autre réalité. Arrive alors Peter Pan, qui emmène Wendy et John Darling jusqu’au Neverland. À la rencontre des Garçons perdus, des indiens, de sirènes et des pirates. Un pays lointain où chacun y joue sa vie. Littéralement.
Le jeu, élément central de « Wendy et Peter Pan », prend dès lors mille et une formes, dans un bal ininterrompu de décors et de costumes. Véritable prouesse. Avec une scène qui passe en un rien de temps de la chambre de Wendy à la jungle du Pays du Plus Jamais. En passant par le bateau de Crochet, ou la lagune aux sirènes. Le jeu, celui brouillon, désordonné, bruyant et confus d’une bande de jeunes garçons, transcrit avec une subtilité parfois déconcertante devant nos yeux. Porté sur les planches par des actrices et acteurs, tous adultes, dans une chorégraphie particulièrement percutante, propice à renvoyer chaque spectateur à lui-même. Son passé, ses cauchemars, ses portes de sortie. On se court les uns derrière les autres, pour mieux montrer qu’au fond, on se court surtout après soi-même.
Un voyage bel et bien intérieur, soutenu par les éléments de décor. Le lit de la chambre qu’on réutilise en guise de planche, sur le bateau de Crochet, quand les Garçons perdus sont amenés à faire le grand saut. Plonger dans le grand bain, non d’une île merveilleuse, mais bien celui de la vie. Un peu comme quand, nous toutes et tous, devons mettre chaque matin un pied hors du lit, sans savoir vraiment où aller, ni pourquoi. Qu’on s’imagine des scénarios dès les plus petites heures, pour affronter, jour après jour, les règles d’un jeu qui nous a été imposé dès la plus tendre et encore innocente enfance. Celles qu’on remet rapidement en question à la première trahison, la plus rude de toutes, dont le plus grand nombre finit par s’accommoder. Ou, comme James Matthew Barrie le fit en son temps, qu’on recompose après avoir décidé de passer son doigt dans la poussière, jouer avec, plutôt que de la remiser sous le tapis.
Wendy et Peter Pan
Théâtre / Création
D’après James Matthew Barrie
Mise en scène Jean-Christophe Hembert
Adaptation Jean-Christophe Hembert & Loïc Varraut
Au Théâtre Kléber-Méleau, Renens
Du 08.11.2023 au 26.11.2023
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