Actuellement au cinéma, le Joker donne à voir un personnage jusque-là très peu connu et décortiqué, malgré de nombreuses apparitions en tant que super-méchant. Résultat : un film fou.
Lorsqu’on évoque le Joker, on pense surtout à Batman. Le grand justicier de Gotham, voué à remettre de l’ordre dans sa ville. Son ennemi juré est quant à lui systématiquement dépeint comme un génie du crime basculé dans la folie. Pourquoi ? Mystère.
Dans le Batman de Tim Burton en 1989, il s’agirait de Jack Napier, un criminel défiguré suite à une chute dans une cuve d’acide, mis en fuite par la police. Un piège tendu par le patron de Napier qui entretenait une liaison avec la femme de son homme de main. Plus tard, en 2008 chez Christopher Nolan, plusieurs versions sont racontées par le principal intéressé. S’il n’a pas la peau « naturellement » blanche, son maquillage coulant à de nombreuses reprises dans le film, il a en revanche des longues cicatrices lui remontant du coin des lèvres sur chacune des joues. Le résultat d’un moment d’extrême alcoolémie violente de son père après avoir demandé à son fils les raisons de son éternel air sérieux.
Un humain avant tout
En 2019, l’heure est enfin aux explications pour le réalisateur Todd Phillips. L’histoire du Joker est simple, plausible et tristement humaine.
Avant de sombrer dans le crime, Arthur Fleck est clown. Pas particulièrement célèbre, il se contente d’animations. Pour attirer de potentiels clients dans des magasins, ou pour amuser des enfants hospitalisés, parallèlement à une carrière d’humoriste que le célibataire tente de lancer.
Mais Arthur est aussi malade, une lésion cérébrale lui cause des crises de rires incontrôlables. Maigre et à l’air étrange, Arthur Fleck est fui de tous. Sauf de sa mère avec laquelle il vit, et avec laquelle il passe beaucoup de temps à regarder un célèbre late show. Il s’astreint aussi à ses rendez-vous avec les services sociaux de Gotham.
C’est précisément suite à un énième rejet que le destin d’Arthur prend le chemin du Joker. Dans le métro, Arthur Fleck, en costume de travail, est passé à tabac. Il se relève et abat froidement ses trois assaillants.
Créateur du Batman
Candidat à la mairie de Gotham, Thomas Wayne, père du jeune Bruce et richissime homme d’affaires, commente ces crimes en les attribuant à une partie pauvre de la population. Un discours qui génère de vives réactions. Débute alors le chaos dans la ville où se jouent des scènes de guérillas urbaines, menées par des hommes grimés en clowns.
De son côté, le Joker laisse libre cours à sa folie. Par un étrange concours de circonstances, il est hissé en super-héros en plein de Gotham alors à feu et à sang. Sorte de porte-drapeau des miséreux. C’est d’ailleurs bien en cela que le film se démarque des autres productions mettent en scène le personnage. Acclamé par la foule, Arthur exulte. Et on ne peut que s’en émouvoir. Le Joker, créé par un système intolérant et profondément réfractaire à la différence, incarne la folie enfouie en chaque être humain. Mais il a enfin réussi. À se faire voir. À être accepté. Même un court instant. Une performance folle, principalement due au jeu d’acteur magistral de Joaquin Phoenix.
Mais en construisant son personnage de super-méchant, le Joker écrit la genèse de son alter ego. À quelques mètres de là, le jeune Bruce Wayne assiste à l’assassinat de ses parents par un homme portant un masque de clown. Un crime pour sceller le destin de deux individus qui n’ont de cesse de s’affronter dans la mythologie de Batman. Tels deux frères à jamais liés par le sang.