VOUS N’AUREZ PAS MA HAINE

Antoine Leiris, journaliste et mari de l’une des victimes du Bataclan, publie un premier livre dans lequel il raconte les quelques jours qui ont suivi la soirée du 13 novembre 2015.

David Trotta

L’histoire commence le 13 novembre 2015, à Paris. Un vendredi soir a priori banal au cours duquel certains sortent boire un verre, pendant que d’autres vont écouter un concert, ou assister à un match de foot. Un vendredi soir qui restera pourtant gravé dans les mémoires de beaucoup.

Vous n’aurez pas ma haine est l’histoire racontée par Antoine Leiris, journaliste, mari d’Hélène et papa de Melvil. L’une de celles vécues par un protagoniste malheureux. Car au soir du 13 novembre, Antoine Leiris est chez lui à veiller sur son fils. Sa femme, Hélène, s’est rendue au Bataclan pour un concert. Celui dont toute la planète a aujourd’hui entendu parler. Celui duquel, comme bien d’autres, elle ne reviendra pas.

Sobre, humble et digne
Quand on entend parler de ce livre, on se demande si l’ouvrir est une bonne idée. On s’attend évidemment à l’horreur. Et pourtant, c’est tout le contraire.

Sur une centaine de pages, Antoine Leiris raconte les premiers SMS qu’il reçoit, auxquels il ne répond pas, pendant qu’il lit, attendant le retour de son épouse. Jusqu’à ce que certains l’obligent à allumer son poste pour prendre connaissance des événements. Le récit s’achève au matin du 25 novembre. Au cimetière Montmartre. Où l’enfant retrouve pour la première fois sa maman. Trop petit, il n’a pas assisté à la cérémonie de la veille.

Vous n’aurez pas ma haine fait suite à une lettre que le journaliste a écrite sur Facebook le 16 novembre (voir ci-dessous). Le jour où il a retrouvé sa femme. Au centre de médecine légale. Une lettre qui a fait le tour de la Toile. Puis les phrases continuent d’affluer, donnant lieu à un récit plus long. Le soir même. Le lendemain peut-être. Antoine Leiris narre cet entre-deux, de la soirée du concert au matin où il emmène son fils découvrir la tombe de sa maman. Avec une sobriété folle. D’une humilité et d’une dignité déconcertantes. Qui vous accaparent entièrement. Qui vous glacent parfois, autant qu’elles vous arrachent des larmes avant d’imposer un sourire.

Un livre absolument magnifique. Qui exprime tout sans rien dire à la fois. Qui dévoile le quotidien d’un père et de son fils touchés par le sort, mais qui se contente d’évoquer le Bataclan sans les images que certains ont abominablement montrées. Un livre rempli de mort, autant qu’il est baigné de vie. Un rituel imposé par les besoins d’un enfant de 17 mois, autant qu’une cruelle fracture.

Mais surtout, un récit à la première personne qui parle des autres. De l’amour d’une vie, au lieu d’un nombril qui regarderait son reflet dans une glace. Sans héroïsme, et sans victimisation. Comme l’était la lettre postée sur les réseaux sociaux, Vous n’aurez pas ma haine est simplement sobre, humble, et digne. Parmi les plus beaux cris d’amour jamais couchés sur papier.

La lettre publiée sur Facebook le 16 novembre 2015.
La lettre publiée sur Facebook le 16 novembre 2015.

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Vous n’aurez pas ma haine
Antoine Leiris
Fayard
2016

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