Il y a quinze ans, les Red Hot Chili Peppers atteignaient leur apogée, aussi bien musicale que commerciale. Mais le morceau qui leur vaut aujourd’hui une gloire incontestée, Californication, quatrième single sorti en l’an 2000 et qui donne son nom au septième album du groupe paru un an plus tôt, a bien failli ne jamais exister.
Par David Trotta
« Tout le monde s’amusait. Comme si on n’avait rien à perdre et rien à gagner. On s’en foutait ; on composait pour le plaisir de composer. Après l’échec relatif de One Hot Minute, comparé à Blood Sugar, personne ne croyait plus en nous. Pour l’industrie du disque, notre heure de gloire était passée. » C’était bien mal connaître les Red Hot Chili Peppers, qui, comme le révèle le chanteur Anthony Kiedis dans son autobiographie Scar Tissue, avaient plus d’un riff dans leurs tiroirs.
Dix ans de doutes
Les années 1990 marquent une phase de doute intense pour le combo californien. Début de la décennie, les Red Hot Chili Peppers sortent un album à la marque de fabrique labélisée RHCP. Blood Sugar Sex Magic mêle avec astuce un Rock aussi suave que sauvage avec un Funk classique estampillé années 1970.
Premier album qui se répand auprès du grand public, Blood Sugar Sex Magic contient des titres qui ont marqué l’histoire du quatuor. Breaking the Girl – Suck my Kiss – Give it Away, pour ne citer que ceux-ci. C’est aussi dans ce cinquième opus que les fans découvrent Under the Bridge. Titre phare des Red Hot Chili Peppers, Kiedis y évoque ses addictions sévères aux drogues ainsi que son amour inconditionnel pour sa ville, la Cité des Anges.
Mais le sort frappe les Red Hot Chili Peppers peu de temps après la sortie de Blood Sugar. John Frusciante, le guitariste, n’arrive pas à gérer la notoriété et la très grande visibilité qu’elle impose. Toujours plus reclus et se réconfortant par intraveineuse, il décide de quitter le groupe.
Quelques années plus tard, avec le guitariste de Jane’s Addiction Dave Navarro pour renfort, les Californiens accouchent de One Hot Minute, que le groupe qualifie « d’échec relatif ». Plus sombre qu’à l’accoutumée, c’est néanmoins sur ce sixième opus que My Friends voit le jour.
Californication
« Au studio, tout allait bien, mais la chanson qui m’importait le plus n’intéressait pas les autres. Il s’agissait de Californication. Chaque fois que j’évoquais le sujet, tout le monde me répondait : « On a vingt-cinq morceaux enregistrés. On n’a pas besoin d’un vingt-sixième. » »
La renaissance arrive en fin de décennie, avec le retour à la six-cordes de Frusciante. Les compositions changent de ton, plus épurées, plus minimalistes parfois, et aux couleurs plus pop également.
Le dernier jour, John est entré dans le studio en courant avec sa nouvelle White Falcon à corps creux de trente mille dollars. Il s’est écrié : « Je la tiens ! J’ai Californication ! »
Album référence, le plus connu du grand public, Californication a bien failli rencontrer un destin différent. Car le nom de ce septième opus provient d’un morceau qui a failli ne jamais voir le jour. « Je refusais de laisser tomber. Je répétais sans arrêt à John qu’il fallait qu’on la termine. Les séances touchaient à leur fin, il ne nous restait plus que quelques jours pour mettre en boîte les pistes de base. »
Les paroles et la mélodie existent pourtant depuis un certain temps déjà. Elles sont nées de l’esprit de et la plume de Kiedis au fil de ses voyages et rencontres. C’est un texte auquel il tient, l’un de ceux qu’il considère comme les plus aboutis. Mais malgré de nombreuses heures de travail pour Kiedis et Frusciante, ils n’arrivent pas à le mettre en musique. Ensemble, ils tentent des dizaines de combinaisons. Sans succès. Jusqu’à…
« Le dernier jour, John est entré dans le studio en courant avec sa nouvelle White Falcon à corps creux de trente mille dollars. Il s’est écrié : « Je la tiens ! J’ai Californication ! » Il s’est assis pour nous jouer cette combinaison de notes clairsemées mais obsédantes. C’était tellement différent de toutes les approches tentées jusque-là pour mettre en musique ce morceau qu’on n’a pas saisi tout de suite. » Cette nouvelle approche fait pourtant mouche, grâce à l’obsession des deux hommes pour parvenir à achever le titre. Malgré un album sublime de bout-en-bout, la perfection et la reconnaissance ultime sont le fait de Californication, un morceau joué et entonné par des stades entiers à chaque concert que donnent les Red Hot Chili Peppers.
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