Intransigeance rock dans l’écrin jazz : quand Lemmy et son gang repoussaient les murs du Montreux Jazz Festival. Fraîchement publié en double album live, le concert de 2007 entre aujourd’hui à la fois dans l’histoire du groupe et celle du festival.
« We are Motörhead, and we play rock’n’roll ». Peu de place pour le doute, après une affirmation agrémentée d’un soupçon de malice, particulièrement rauque. Plus qu’une simple boutade, c’est un véritable hymne, presqu’un cri de guerre, que lance Lemmy Kilmister, l’un des papes du heavy metal, lorsque son power trio foule les planches du Montreux Jazz Festival, un soir de juillet 2007. Juste après avoir salué la foule, en allemand, en français et en italien. Dans un ordre que même les CFF ne savent pas respecter. Une politesse toute britannique. Avant d’envoyer la sauce.
Une sauce crachée à travers un mur d’amplis, tous Marshall, par une formation plus solide encore que le roc. Pas complètement monolithique, en revanche. Avec la récente parution du « Live at Montreux Jazz Festival ‘07 », on retrouve Motörhead et tous ses contours. Malgré une rugosité intrinsèque, le trio traverse son répertoire, large de dix-neuf albums studios en 2007. De ses penchants speed, avec Snaggletooth (1984, sur « No Remorse ») pour chauffer le public à blanc dès le premier titre, jusqu’au country-blues acoustique de Whorehouse Blues (2004, sur « Inferno »). Pour terminer sur les incontournables. Ace of Spades et Overkill. Tous deux parus sur albums éponymes, à un an d’écart (1980 pour le premier, 1979 pour le second).
« You like rock’n’roll, don’t you ?! »
N’en demeure pas moins une essence unique et fondatrice. Celle du rock’n’roll, les origines, que ne cessent de convoquer Lemmy Kilmister, Phil Chambell et Mikkey Dee, dans l’Auditorium Stravinski. Un rock’n’roll, stéroïdé, qu’on retrouve en abondance au cours du live. Dans l’attitude, avec Sacrifice (1995, album éponyme) en milieu de set, et un solo de batterie de Mikkey Dee propre à perdre la moitié du public a minima. Ou avec Killed By Death (1984, « No Remorse »), propre à perdre Lemmy en personne, qu’on sent pousser la voix sur un titre, faut-il admettre, trop haut pour lui. Un Lemmy qui s’époumone pourtant plutôt facilement, dans son micro, lui aussi placé particulièrement haut, et qui finira bien tué par la mort, un soir de décembre 2015.
Rock’n’roll bien évidemment dans le son aussi, avec notamment Going to Brazil (1991, « 1916 »), et Rosalie, reprise version Thin Lizzy. Un hommage à Phil Lynott, le seul Irlandais noir qu’il n’ait jamais rencontré, précise Lemmy au micro. « L’un de mes héros, il devrait être l’un des vôtres aussi », continue-t-il avant d’entonner, avec une maîtrise vocale relative, le titre de Bob Seger. Qu’importe, pour l’un des mastodontes du heavy metal. Qui a inspiré tant d’artistes. Et qui continuera de le faire. L’une de ces icones à qui on rend aujourd’hui encore les égards qui leur sont dus. Aussi à Montreux, aussi sur la scène du Stravinski. Avec le non moins respecté Slash, en 2019. Quand, avec Myles Kennedy et leurs Conspirators, le combo décide de faire résonner le puissant Doctor Alibi, sur lequel le guitariste star invitait, pour son premier album solo en 2010, un certain… Lemmy !