
Quatre concerts. Trois casse-couilles, version internationale. Ou quand le retour des rassemblements musicaux majeurs ne se fait pas que dans la joie et la bonne humeur. Pour preuve, deux soirées qui s’annonçaient pourtant belles, au Montreux Jazz Festival.
Car qui dit festival dit artistes. Et laisse nécessairement planer le doute quant aux conditions de travail imposées et le degré de considération pour certains corps de métiers. Les photographes en premier.
Et à ce titre, trois têtes (de pioches) d’affiche n’ont pas manqué d’imposer leur loi, autant qu’un mépris magistral. À commencer par Robert Plant, la légende, l’ex-Zeppelin. L’une des plus belles voix du rock. Depuis longtemps, on connaît son inimitié envers les photographes. Il suffit de demander autour de soi pour recueillir pléthore de témoignages. Cette année à Montreux, impossible, comme il en est pourtant de coutume dans cet univers, d’entrer dans la fosse. Il faudra être parqué tout au fond du Stravinski. Soit. Sauf que l’info tombe alors que la plupart des photographes sont déjà sur place. Manque de bol pour ceux (Bibi parmi d’autres) seulement équipés de matériel pour concert et qui n’ont pas pensé à emporter une palette de longues-vues spécialisées. Type observation ornithologique.
En deuxième place sur le podium : Van Morrison. L’info est donnée rapidement. Les photos sont permises depuis la fosse, le temps des deux premières chansons, mais pas au centre. Au choix, un des deux côtés. Soit. Nous autres, photographes, sommes parqués tant bien que mal. Même si la concentration, le devant de scène étant amputé d’un bon tiers, frôle l’élevage en batterie. C’était toutefois sans compter un Van Morrison bien caché (genre biiieeeeeen caché) derrière un lutrin, précisément sur les deux premières chansons. Et pour les photographes, derrière aussi une jungle de câbles, de pieds de micros, de musiciens de dos, bien amoncelés dans l’angle de tir. Sans oublier d’évoquer le contrat que tous ont dû signer.
Quant à la palme d’or, elle revient immanquablement au duo Jeff Beck et son invité très spécial : Johnny Depp. Voilà des heures que tout le monde attend. Sans exagération aucune, malgré des racines latines. Beaucoup, ayant au préalable demandé des informations à leurs contacts dans d’autres festivals qui ont vu se produire le duo de choc pour 2022, ont eu vent que la soirée pourrait s’annoncer mouvementée. L’équipée presse donc le staff média de Montreux, qui attend lui aussi les restrictions afin de les annoncer dans les meilleurs délais. Rien, des heures durant. La pression monte, tant du côté des photographes que de personnel du Montreux. Une première info, enfin : il faudra signer un document. L’équipe des artistes fera sa sélection. Les heures passent, jusqu’à ce que tombe l’annonce finale : les artistes n’accepteront que deux personnes, naturellement issues de l’équipe du festival. Le concert, lui, commence 1h30 plus tard. Tout le monde sourit, très jaune. D’autant que la confirmation arrive tout juste à la sortie du Stravinski et du petit bout que Morrison a bien voulu montrer. Sans vanne. Tout le monde, accrédité, a fait le déplacement. Tout le monde, dans l’euphorie de la fête et vu l’événement (Jeff Beck et Johnny Depp sortaient leur album commun le jour du concert, plutôt très bon par ailleurs) s’attendait à capturer LE moment de cette édition du Montreux Jazz. Au final, tout le monde retourne au carré presse, pour y ranger ses objectifs. Et commencer à y ruminer frustration, colère et déception.
Avec le temps, plusieurs festivals ont certes tenté d’allier leurs forces, en demandant aux professionnels de l’image de se conformer à une charte, élaborée dans le but de protéger le travail de tout un chacun. Elle semble toutefois bien maigrelette face au mépris de certains artistes, qui aiment par ailleurs montrer à la foule les traits de grands seigneurs : Robert Plant a dit « salut mon pote » au public, Jeff Beck a enlevé plusieurs fois ses lunettes et a souri, Johnny Depp a fait coucou de la main. Van Morrison a… Van Morrison, point. Reste que, on le sait bien sans pouvoir rien y faire au demeurant, les restrictions et autres interdictions sont établies depuis fort longtemps. Des mois, si ce n’est des années, avant un concert. Sans que, pour une raison qui échappe à tous, organisateurs compris, les musiciens et leurs équipes ne daignent les transmettre à celles et ceux qui s’échinent, le plus souvent par passion, à faire vivre et à partager, en mots et en images, la magie d’un rassemblement.
Alors merci pour ces moments au Montreux Jazz 2022. Chapeau, les artistes. Cette année pour PLANS CULTES et votre scribouillard de serviteur, de retour de Montreux plutôt agacé (en vrai, carrément gonflé), le score sera honorable. Sur quatre concerts, derrière le rideau, trois artistes, d’envergure mondiale, ont surtout révélé des visages de très petits messieurs. Presque plus petits encore que votre scribouillard de serviteur (franchement pas bien grand. Bien que plutôt rigolo). Trois sur quatre : le ratio, faut-il admettre, n’est pas vraiment bon. À ce compte, je me serais bien épargné 20 balles de train. Surtout quand on a été pris pour un con.
David Trotta | Vendredi 15 juillet 2022 (très tard. Ou samedi 16 juillet très tôt. C’est selon)
Salut, ouais pas cool, je comprends mieux les photos lointaines… j’ose pas imaginer la frustration du moment, par chance tu n’as pas passé 2-3 heures sur la route pour arriver à Montreux, imagine un gars de Zurich… Grrr !