LIBREMENT ADAPTÉ

Un juif pour l’exemple, version Jacob Berger, occupe depuis la semaine dernière les salles obscures. Le choix de la libre adaptation laisse toutefois perplexe. Explication.

David Trotta

L’annonce avait fait grand bruit. Celle de l’arrivée au cinéma du roman de Jacques Chessex Un juif pour l’exemple. Précision toutefois : son réalisateur a choisi de laisser place à une libre adaptation. Jusque-là, pas de problème. Rappel encore au moment où s’ouvre le film. Pas de quoi paniquer donc si les lecteurs ne retrouvent pas scène pour scène le livre tel qu’il a été écrit par son auteur.

Dans son ensemble, le film tient la route, et l’on ne se sent pas désarçonné. L’histoire est connue. La trame globale est respectée. Pour les apports, ils s’avèrent pour beaucoup franchement intéressants. Car le réalisateur s’est amusé à reconstituer l’histoire de l’histoire, et donc inclure Jacques Chessex au cœur de l’intrigue. Lui qui avait huit ans au moment des faits. D’ailleurs, pour les rappeler. Un juif pour l’exemple, version Chessex ou Berger, raconte l’assassinant en 1942 d’Arthur Bloch, marchand de confession juive, pendant la foire de Payerne par un groupe de nazillons.

Au-delà de la simple transposition à l’écran du roman, Jacob Berger a donc joué la mise en abîme. Jacques Chessex, sous les traits d’André Wilms, intervient. Petit pour raconter les événements. Agé, pour montrer comment ils ont donné lieu à son livre. Une perspective intéressante, car elle montre comment l’auteur s’est attiré les foudres de certains lecteurs, et l’impact qu’elles ont pu avoir sur lui.

Anachronismes
Mais Jacob Berger ne s’est pas arrêté là. Dans sa version, on peut aussi y voir des voitures vitres teintées, des motos flambant neuves, des blocs d’immeubles récents ou des uniformes de gendarmes contemporains. Bref, de nombreux éléments qui n’ont rien à faire dans l’univers de 1942.

Dans une récente interview accordée au journal Le Courrier, le réalisateur explique son choix en affirmant notamment avoir voulu garder le public concerné en ne se contentant pas d’une reconstitution stéréotypée, et faire en sorte que son récit respire le vrai.

Sauf que ce choix n’est peut-être pas le plus judicieux. Car à chaque référence de notre temps, on sort du film. Le petit Jacques et son père passent devant le garage de Fernand Ischi, la Polo interpelle. Les ouvriers sont sortis du chantier, la visseuse-perceuse fait tache. Ainsi des chaussures de la domestique, des alarmes de voitures, de la moto de Fernand Ischi, de la Volvo vitres teintées d’Arthur Bloch, des uniformes de gendarmerie. Bref. Autant d’éléments perturbateurs qui manquent leur cible. Car au-delà de se sentir concerné, on sort du fil du récit. Trois. Quatre. Cinq. Six fois. Peut-être plus. Sur un total de 72 minutes, c’est vraiment beaucoup. Et c’est franchement dommage.

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