« J’AI ÉCRIT SATISFACTION DANS MON SOMMEIL »

Le plus grand tube des Rolling Stones, par ailleurs l’un des hymnes du rock’n’roll, sortait il y a cinquante ans très précisément en Grande-Bretagne. Keith Richards son créateur raconte ce qu’il se souvient du processus de création.

Par David Trotta

Les Rolling Stones figurent parmi la poignée de groupes les plus connus au monde. Rock stars, dinosaures du rock ou juste vieux papys pour certains aujourd’hui, ils doivent une grande partie de leur notoriété à un morceau qu’ils ont composé en 1965, le célébrissime (I can’t get no) Satisfaction. Sorti le 6 juin de la même année aux Etats-Unis puis un mois plus tard sur l’album Out of Our Heads, il faut attendre le 20 août pour que le titre s’exporte jusqu’en Angleterre, patrie des Stones, et plus généralement en Europe. Pourtant, aussi surprenant que cela puisse paraître, Keith Richards, guitariste de la formation, n’en garde que peu de souvenirs.

Quelques notes

« Ce n’était qu’une ébauche. Il y avait la structure de la chanson et le son n’y était pas, bien sûr, parce que j’avais utilisé une guitare acoustique. Après, on m’entendait ronfler pendant quarante minutes. » La création du légendaire morceau des Rolling Stones a de quoi laisser perplexe, comme le confie le guitariste Keith Richards dans son autobiographie Life.

En 1965, le nom des Stones se fait de plus en plus entendre, sans qu’il ne soit encore aussi populaire que les celui de leurs voisins de Liverpool. Un fait qui change lorsque Richards, au réveil dans son appartement de Londres appuie sur play. « J’ai écrit Satisfaction dans mon sommeil. Je ne le savais pas moi-même, c’est mon petit enregistreur à cassette Philips qui me l’a dit. Je ne sais pas ce qui m’a pris de vérifier la cassette ce matin-là. Elle était toute neuve. J’avais donc dû la glisser dedans la veille au soir, et elle était à la fin. » Keith Richards rembobine et écoute ce qui deviendra, après quelques sessions de travail, leur ticket pour la gloire.

Fuzz

L’ébauche prend rapidement forme et toute la structure se met en place. Mais Richards n’y croit pas vraiment. Il va pourtant prendre une décision qui donnera tout son rock aux Stones. Lors des sessions de travail, il utilise une pédale fuzz, encore très peu répandue à ce moment. Il faudra attendre quelques années et la déferlante du rock psychédélique pour que ce type d’effets sonores se démocratise. « Les effets, ce n’est pas trop mon truc. Je m’intéresse davantage à la qualité du son. Est-ce que je veux que ce soit net, dur et tranchant, ou bien chaleureux et enveloppé ? Le choix est simple : Fender ou Gibson ? »

Richards ne tient pas vraiment à garder ce son. Il a en tête des cuivres, et la fuzz s’en rapproche. Pour le moins, elle donne l’intention. Le but du guitariste : attendre que les cuivres soient mis en boîte pour enregistrer le riff en son clair.

Franc succès… sans conviction

Finalement, et bien heureusement pour la carrière des Rolling Stones, le riff est enregistré avec la pédale fuzz, et aucun cuivre ne viendra s’ajouter au morceau. Avec son acolyte et frère d’armes Mick Jagger, Keith Richards peaufine la mélodie et les paroles selon une méthode de travail basée sur la complémentarité et la complicité des deux hommes.

Le titre sort, en premier aux Etats-Unis, et devient instantanément leur plus grand succès. « Comme on n’avait jamais entendu un son pareil à l’époque, ça a frappé les esprits. Et un jour, on est sur la route quelque part dans le Minnesota, et voilà qu’on passe notre putain de morceau à la radio. »

Hit de la semaine, puis hit du mois, puis hit tout court, Keith Richards ne comprend pas l’engouement, d’autant que les Stones ne savent pas, aux dires du guitariste, que le titre est déjà diffusé par leur producteur. « D’abord, j’étais mortifié. Dans mon esprit, c’était juste une maquette. Et après dix jours de route, on est numéro un aux States ! Le tube de l’été 1965. OK, plus rien à dire. J’ai appris la leçon : le mieux est parfois l’ennemi du bien. Ce qui plaît n’est pas forcément ce qui vous plaît. »

SOURCE

Keith Richards, Life, 2010.

Laisser un commentaire