Certains artistes se sentent investis d’une mission, mais mettent du temps avant de la mener à bien. Fond de tiroir dépoussière aujourd’hui un projet fou d’Yngwie Malmsteen.
Par David Trotta
En musique classique, l’instrument suprême est bien souvent le violon. Dans un orchestre, qui est régi par de nombreux codes, le premier violon, le soliste le plus souvent, fait le pont entre les musiciens et le chef d’orchestre.
Bien sûr, on connaît aussi les concerti pour clarinette, piano ou violoncelle. En revanche, on connaît moins, voire pas du tout, les œuvres pour guitare électrique. Et pourtant… Pourtant oui, un homme a relevé ce défi en 1997. Pour preuve, son projet a donné lieu à l’album Concerto Suite for Electric Guitar and Orchestra in E Flat Minor OP.1 – Millenium –.
Il fallait évidemment une personne précise pour réaliser cette œuvre. Elle a donc été créée et interprétée par le guitariste suédois Yngwie Malmsteen. Parmi ses influences fondamentales : Jimi Hendrix et Niccolò Paganini, virtuose de violon célèbre pour ses Caprices. Un mélange savant et inattendu qui le poursuit depuis la fin des années 1970, période de ses débuts.
Perspective inédite
Mêler hard rock et musique classique n’est pas un fait nouveau. D’autres se sont aussi essayés à l’exercice. Parmi les plus célèbres, citons Metallica accompagné par l’Orchestre symphonique de San Francisco, ou Deep Purple et Scorpions.
Ces trois formations, les plus emblématiques, ont en commun le fait d’avoir donné une série de concerts avec un orchestre. Et c’est bien là la différence avec le projet d’Yngwie Malmsteen.
Le Suédois se démarque de ses homologues par la démarche. Si les groupes ont souhaité donner une couleur différente à leurs œuvres, en s’allouant les services de formations classiques, toutes plus prestigieuses les unes que les autres faut-il souligner, Malmsteen est accompagné uniquement par l’orchestre. Pas de batterie, de basse ou de clavier. Le premier violon a laissé sa place à une guitare électrique hyper-saturée. Et ça marche !
A noter toutefois que les instruments ont été enregistrés séparément. L’orchestre philarmonique tchèque en premier, du 14 au 16 juin 1997, et la guitare ensuite, du 15 au 21 septembre de la même année, pour que le matériel électrique ne vienne pas couper les harmonies des instruments classiques.
Le résultat est simplement bluffant. Il donne un coup de jeune à la musique classique souvent laissée aux plus anciens, et rend plus sérieux un hard rock fréquemment ignoré par les amateurs de « grande musique ».
Un peu plus de quarante minutes, partagées en douze morceaux pour admirer ce qu’un seul a su faire jusque-là. Yngwie Malmsteen prouve, à travers cette expérience, qu’il est seul maître du baroque’n’roll.
Petit bémol toutefois. Il va de soi que le projet a pris vie, le temps de plusieurs concerts capturés en images. Pour ceux-ci, le guitariste a fait ce que les autres ont fait, à savoir adapter certains de ses morceaux les plus emblématiques pour l’orchestre. Sauf que, comme pour beaucoup d’autres, le manque de cohérence est flagrant. La vraie bonne idée aurait été de se contenter de ses compositions originales spécialement écrites pour ce projet unique.