Ambiance sudiste aux Docks, avec un Dead South armé d’un solide bluegrass contre le Malin. Critique.
Faire front contre les forces obscures. Une croix ? Une Bible ? Bien mieux que cela : un violoncelle, une mandoline, une guitare et un banjo. Le tout habilement manié par le quatuor Dead South, qui déversait hier soir son meilleur bluegrass.
Ambiance country-folk sudiste donc, avec des Docks transformés en une sorte de conte christique. La scène prend forme telle une chapelle accueillant les dernières âmes pures, en lutte contre le mal, façon chorale gospel. Le quatuor est aligné, il fait bloc. Combattants missionnaires refusant de se coucher face à la bête. Juste derrière, des vitraux qui narrent le périple rédempteur d’un Dead South splendide.
Si le bluegrass et les variantes country prêtent souvent à sourire, un traditionalisme parfois kitsch, les Dead South, eux, ont bien fait mouche devant une salle pleine. Une voix principale granuleuse à souhait, aussi puissante que profonde. Celle qui entre directement dans les tripes avant de passer par les oreilles. Maîtrise parfaite aussi des harmonies, qui transportent très loin de Lausanne. Du côté des plaines du Kentucky. Où l’herbe y est tellement brillante qu’on la croirait bleue. Ou des déserts arides du Texas, déchirés par quelques rares bottes de paille mues par les vents.
Brillance aussi du côté des instruments, où chaque note est pesée. Juste ce qu’il faut. Aussi bien à quatre qu’en duo, quand seul le violoncelle et le banjo accompagnent la complainte In Hell I’ll Be In Good Company par exemple, le tube des Dead South. Sans oublier un jeu de scène fascinant, qui rappelle les groupes des églises. Sobre, humble, dans le partage. Pour mieux prêcher la bonne parole, dans une chaleur digne des Enfers. Une justesse globale qui fait oublier que le groupe, né dans la province canadienne du Saskatchewan, n’a en réalité rien d’étasunien.
Aux Docks, grâce à une véritable pépite, on aurait clairement dit le Sud. Mort, mais de loin pas enterré. Pour que nous, pauvres âmes chagrines, nous ne perdions pas nos regards dans l’horizon noir de notre solitude.